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Les Dix Commandements de la Bible

et les Dix Commandements de l'Église


                        (Nous donnons ici un texte de l'autorité catholique afin d'être le plus objectif possible.Nous y                         ajoutons, à la fin du texte, des commentaires personnels à certaines affirmations).


Quelle est l’origine des dix commandements ?
par Don Ariel Alvarez Valdés
(Traduit de l’espagnol par C. Bertrand)


La position de S. Jean

Les protestants reprochent souvent à l’Église catholique d’avoir modifié les 10 commandements. Ils font remarquer que, dans la Bible (Ex 20,4), le 2e commandement dit : "Tu ne feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre". Ce texte, prétendent-ils, les catholiques l’ont laissé de côté. C’est vrai. Du moins, dans une certaine mesure.

Mais alors, l’Église aurait-elle autorité pour changer les commandements ? Afin d’éclairer cette question, il est nécessaire d’étudier l’histoire de ces commandements. Le livre de l’Exode raconte que le peuple d’Israël, une fois libéré de la servitude d’Égypte, marcha durant trois mois à travers le désert, avant d’arriver enfin au Sinaï. Là, Moïse gravit la montagne jusqu’au sommet. Alors, le tonnerre gronda, la terre trembla, les trompes sonnèrent et, dans le feu, Yahvé lui apparut et lui donna les commandements.

Les douze commandements

La Bible dit clairement que les commandements sont au nombre de 10 (Dt 4,13 ; 10,4). Mais ici surgit une première difficulté : lorsque nous faisons nous-mêmes le compte de ces commandements, nous constatons qu’il n’y en a pas 10 mais 12 (Ex 20,3-17). Les voici :

1. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi (v.3)
2. Tu ne feras aucune image sculptée (v.4)
3. Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne leur rendras un culte (v.5)
4. Tu ne prononceras pas à faux le nom de Yahvé, ton Dieu (v.7)
5. Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier (v.8)
6. Honore ton père et ta mère (v.12)
7. Tu ne tueras pas (v.13)
8. Tu ne commettras pas d’adultère (v.14)
9. Tu ne voleras pas (v.15)
10. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain (v.16)
11. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain (v.17,a)
12. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain (v.17,b)

(cf. Commentaires 1, à la suite de ce document)


À la recherche des 10 commandements

Si la Bible affirme qu’il y a 10 commandements, comment les compter pour arriver à ce nombre ? De longue date, juifs et chrétiens ont débattu ce problème et proposé diverses manières de le résoudre. Les premières tentatives furent celles du juif Philon d’Alexandrie et de l’historien Flavius Josèphe, tous deux du premier siècle ap. J.-C. Selon eux, le 1er commandement est celui qui prescrit de n’avoir qu’un seul Dieu (v.3). Le 2e défend de fabriquer des images et de se prosterner devant elles (v.4-5). Le 3e interdit de prendre le nom de Dieu en vain (v.7). Le 4e ordonne de sanctifier le jour du Seigneur (v.8). Du 5e au 9e, les commandements sont énumérés dans l’ordre où la Bible les situe (v.13-16). Le 10e serait exprimé par le v.17 tout entier, où il est défendu de désirer la femme du prochain et de convoiter les biens d’autrui.

Cette classification distingue 4 commandements relatifs à Dieu et 6 relatifs au prochain. Elle fut acceptée par plusieurs écrivains anciens, tels Origène, Tertullien et S. Grégoire de Nazianze. Elle est aussi celle qu’adoptent actuellement les protestants luthériens, calvinistes et anglicans.

La proposition juive

Le judaïsme officiel récusa la classification de Philon et de Flavius Josèphe. Quand les rabbins rédigèrent le Talmud, leur livre sacré, ils proposèrent une autre façon de répartir les commandements. Ils considérèrent le v.2 comme étant le 1er commandement, alors qu’en fait il constitue simplement le prologue ou la présentation du Décalogue : "Moi, Yahvé, je suis ton Dieu, qui t’ai retiré du pays d’Égypte, de la maison de servitude". Pour formuler le 2e, ils regroupèrent les trois suivants, à savoir ceux qui défendent d’avoir d’autres dieux, de fabriquer des images et de se prosterner devant elles (v.3-5). Le 3e serait celui qui interdit de prononcer à faux le nom de Dieu, et le 10e ramène à une seule la défense de désirer la femme du prochain et celle de convoiter les biens d’autrui. Tous les juifs adoptèrent cette seconde classification, où l’on trouve, comme dans la première, 4 commandements relatifs à Dieu et 6 relatifs aux hommes.

La proposition chrétienne

Mais au Ve s., St Augustin, un des plus grands Docteurs de l’Église, propose une troisième classification des commandements. Comme les rabbins du Talmud, il affirme que les préceptes défendant d’avoir d’autres dieux, de fabriquer des images et de se prosterner devant elles, constituent en réalité un seul commandement, exprimé de manières différentes, mais avec référence au même but : éviter l’idolâtrie ou le culte des faux dieux. Cela étant, il estime que les trois préceptes (v.2-6) doivent être réunis, pour former un seul commandement. Toutefois, ce commandement ne sera pas le 2e, comme l’entendaient les rabbins, mais le 1er.

En conséquence, pour Augustin, le 2e commandement est le suivant de la liste, à savoir celui qui interdit de prononcer le nom de Dieu en vain, et le 3e est celui qui exige de sanctifier les fêtes. Seulement, comme il a regroupé en un seul les trois premiers commandements, il se trouve qu’il lui en manque un pour compléter la liste des 10. Alors, il dédouble le 9e commandement du v.17, dont il fait deux commandements distincts : le 9e, qui défend de convoiter la femme du prochain et le 10e qui concerne les autres biens du prochain. Augustin fut le premier à distinguer ces deux commandements dans le verset 17.

La nouvelle classification ainsi opérée ne reconnaît que 3 commandements relatifs à Dieu, tandis que les 7 autres sont relatifs au prochain. Augustin voit en cela une raison de convenance, une manière d’évoquer plus clairement la Très Sainte Trinité, moyennant les trois premiers commandements. Presque tous les théologiens chrétiens et les médiévistes adoptèrent cette troisième classification, qui s’imposa ensuite dans toute l’Église catholique. Pour apprendre le catéchisme.

À partir du XVIe s., quand les catéchismes commencèrent à se répandre, on entrevit la nécessité de fixer les 10 commandements dans la mémoire des gens, afin de faciliter l’examen de conscience préparatoire à la confession et de donner un stimulant à la vie spirituelle. Cependant, tels qu’ils étaient rédigés, ces commandements paraissaient quelque peu surannés, vu qu’ils se référaient à une époque où les Israélites observaient encore une morale primitive. Il n’y était pas tenu compte du progrès apporté à la révélation par la vie et les enseignements de Jésus.

Ainsi, par exemple, le Décalogue faisait mention d’autres dieux (cf. Commentaires 2, à la suite de ce document), parce qu’en ce temps-là, les Israélites croyaient qu’il existait réellement d’autres divinités pour les autres peuples ; mais nous savons aujourd'hui qu'il n'y a qu'un Dieu pour toutes les religions. Il prohibait les images, alors que, dans le Nouveau Testament (Col 1,14), le Christ est présenté comme l’image du Dieu invisible et qu’il est donc permis aux chrétiens de se servir d’images pour exprimer leur foi. Il ordonnait de sanctifier le sabbat, tandis que les chrétiens célébraient le dimanche, considéré par eux comme le jour du salut, suite à la victoire remportée par le Christ sur la mort.

L’Église résolut donc d’élaborer un nouveau Décalogue pour le catéchisme, c’est-à-dire un Décalogue amélioré, grâce au perfectionnement apporté par le Christ à l’Ancien Testament. Elle avait déjà agi dans le même sens, en excluant de la vie chrétienne les sacrifices d’animaux, prescrits par l’Ancienne Loi, l’égorgement de brebis, la crémation de taurillons et la sanglante immolation d’agneaux, qui avaient lieu chaque jour au Temple (cf. Commentaires 3, à la suite de ce document).

Des commandements pour des chrétiens

Dans la nouvelle liste, le 1er commandement ne fit plus mention d’autres dieux et fut formulé d'une manière plus positive et plus parfaite : "Aimer Dieu par-dessus toutes choses".

Le 2e, concernant les images, fut supprimé ; du reste, il allait dans le même sens que le précédent, vu qu’il visait à détourner du culte des idoles substituées à Dieu. Sa place fut occupée par le commandement suivant, qui défend de prononcer à faux le nom de Dieu. (cf. Commentaires 4, à la suite de ce document)

Dans le 3e, relatif à l’obligation de sanctifier un jour de la semaine en mémoire du Seigneur, on se borna à modifier le jour. Le sabbat fut remplacé par le dimanche, qui évoquait la résurrection du Christ.

Le 6e réprouvait l’adultère, c’est-à-dire les relations avec une femme mariée : mais il ne formulait aucune défense concernant l'union avec une femme libre. L’Église lui donna une formulation plus profonde et plus exigeante, qui proscrivait la "fornication" ou, en d’autres termes, les relations avec n’importe quelle femme autre que l’épouse légitime. (cf. Commentaires 5, à la suite de ce document)

Le 7e, "tu ne voleras pas", qui, dans la langue hébraïque, se réfère à la prise de possession d’une personne, revêtit un sens plus générique ("tu ne déroberas pas"), incluant toute espèce d’appropriation.

Le 8e ne faisait mention que du faux témoignage donné en présence de juges. On y ajouta la défense de "mentir", pour l’adapter à toutes les autres circonstances de la vie.

Enfin le 10e, qui interdisait de convoiter la femme du prochain et les autres biens appartenant à ce dernier, fut dédoublé comme suit : le 9e, se référant exclusivement à la femme et le 10e ayant trait aux autres biens du prochain. C'est ainsi que l'Église remania et actualisa la liste des 10 commandements, afin de mettre ceux-ci au niveau de la nouvelle morale, la morale chrétienne. (...) »

Extrait de La terre sainte - revue bimestrielle des lieux saints, 01. 02. 1999
(
http://servus.christusrex.org/www1/ofm/mag/TSmgfrB2.html).


Commentaires

Un tel document appelle un certain nombre de commentaires, car, dans sa volonté de justifier les choix de l'Église catholique, il élude beaucoup de questions importantes, et manipule les textes.


1- Cette présentation, avec le dédoublement du dernier verset, est déjà une manipulation. La suite rappelle bien que, dans l'Antiquité, personne ne pensait ainsi, personne n'établissait de distinction entre "convoiter la maison du prochain" et "convoiter la femme du prochain" parce qu'il s'agissait dans les deux cas de biens appartenant à un homme, et que la seule préoccupation du législateur était l'ordre public grâce au respect du bien d'autrui. La distinction introduite par saint Augustin va permettre un changement de sens, et les moralistes de la nouvelle religion vont l'utiliser afin de placer une injonction sur la sexualité dans un ensemble qui n'évoquait nulle part ni la fidélité conjugale, ni la sexualité intime.


2- Les Israélites croyaient qu'il existait d'autres dieux : ce qui confirme que le Décalogue n'a pas été conçu comme ayant une valeur universelle, mais comme règlement intérieur d'un petit clan uni autour d'une divinité particulière, différente des dieux des peuples environnants, peuples envers lesquels les commandements ne s'appliquaient pas (les Israélites pouvaient les tuer, les réduire en esclavage, prendre tous leurs biens, notamment leurs femmes, et ils ne s'en sont pas privés tout au long de leur histoire).


3- Il n'est pas sérieux de mettre sur le même plan l'observance de rites religieux et l'observance de principes moraux, " tu adoreras Dieu seul " et " si c'est un homme du peuple qui pèche par mégarde... il amène en présent une chèvre (...) et il égorge ladite victime " (Lévitique, 4, 27-29). Avec l'apôtre Paul, les premiers chrétiens choisissent de ne pas imposer les rites juifs aux païens désirant devenir chrétiens (circoncision, interdits alimentaires, sacrifices d'animaux, divers autres rites), la nouvelle communauté se créant d'ailleurs ses propres rites pour ses réunions de prière et de commémoration. Les commandements, eux, structurent la foi, et sont d'un tout autre ordre. L'abandon des rites n'a posé aucun problème théorique, seulement des problèmes pratiques : un frère observant strictement les préceptes juifs peut-il partager le repas de frères d'origine païenne qui ne les observent pas ? Tandis que les modifications des commandements ont provoqué des débats passionnés, des divisions, des luttes farouches et sanglantes, et ne se sont imposées que par la force.


4- Il n'est pas du tout évident que le commandement sur les images allait dans le même sens que le premier, et que donc il pouvait être supprimé sans conséquences. " Aimer Dieu par-dessus toutes choses " est compatible avec la possibilité d'aimer d'autres choses aussi : donc avertir qu'il ne faut pas aimer des idoles est adéquat. Les premiers chrétiens étaient convaincus que ce commandement les concernait, et, quand l'empereur Constantin fit de la religion chrétienne la religion d'état, ils s'attaquèrent aux statues des temples païens et en détruisirent un grand nombre. Plus tard les autorités religieuses modifièrent leur doctrine afin de faciliter l'expansion du christianisme chez les païens, au prix de luttes intestines sanglantes. L'argumentation chrétienne, que dans le culte chrétien l'adoration ne va pas à la statue mais à Dieu, ce qui distinguerait le culte des idoles du culte chrétien, n'est pas sérieuse, car on imagine mal les Grecs ou les Romains païens croire en leurs statues et non parler à travers elles à leurs divinités.


5- C'est-à-dire que l'Église catholique transforme radicalement le texte : alors qu'il visait la captation d'un bien d'autrui dans une société polygame, il en fait une injonction de fidélité conjugale dans une société monogame.


En conclusion, l'Église catholique se donne le droit de modifier le Décalogue pour l'adapter aux transformations apportées par la croyance en Jésus comme Dieu, et par les nouvelles prescriptions de ce même Jésus. Elle en profite pour y introduire la sexualité conjugale et intime. Au total, elle transforme donc profondément la lettre et le sens du Décalogue. S'il n'est pas question de lui dénier le droit d'agir ainsi, elle a cependant perdu celui d'affirmer que ses commandements sont ceux de Moïse (malgré une filiation évidente), dictés par Dieu, comme veut le confirmer le rappel du récit de l'épisode du Sinaï en tête de ce document-ci, ainsi que de multiples passages du Catéchisme (cf. "Ces 'dix paroles', Dieu ... les a écrites 'de son doigt' ... Elles constituent des paroles de Dieu à un titre éminent..." § 2056). De même qu'est non fondée l'extrapolation qui fait du règlement intérieur d'un clan une expression "des droits fondamentaux, inhérents à la nature de la personne humaine, ... une expression privilégiée de la "loi naturelle" § 2070 (pour un texte où la femme est le bien de l'homme au même titre que son boeuf et sa maison, et où l'esclavage est accepté comme une évidence !). Et que penser de l'affirmation sans vergogne " les dix commandements ... sont foncièrement immuables " ! § 2072.

En tout cas, le fait est là : de nombreuses Églises chrétiennes s'en tiennent aux dix commandements de la Bible et refusent la version révisée qu'en donne l'Église catholique.

Leur vision de la sexualité est alors sensiblement différente.   apportées par la croyance en Jésus comme Dieu, et par les nouvelles prescriptions de ce même Jésus. Elle en profite pour y introduire la sexualité conjugale et intime. Au total, elle transforme donc profondément la lettre et le sens du Décalogue. S'il n'est pas question de lui dénier le droit d'agir ainsi, elle a cependant perdu celui d'affirmer que ses commandements sont ceux de Moïse (malgré une filiation évidente), dictés par Dieu, comme veut le confirmer le rappel du récit de l'épisode du Sinaï en tête de ce document-ci, ainsi que de multiples passages du Catéchisme (cf. "Ces 'dix paroles', Dieu ... les a écrites 'de son doigt' ... Elles constituent des paroles de Dieu à un titre éminent..." § 2056). De même qu'est non fondée l'extrapolation qui fait du règlement intérieur d'un clan une expression "des droits fondamentaux, inhérents à la nature de la personne humaine, ... une expression privilégiée de la "loi naturelle" § 2070 (pour un texte où la femme est le bien de l'homme au même titre que son boeuf et sa maison, et où l'esclavage est accepté comme une évidence !). Et que penser de l'affirmation sans vergogne " les dix commandements ... sont foncièrement immuables " ! § 2072.

En tout cas, le fait est là : de nombreuses Églises chrétiennes s'en tiennent aux dix commandements de la Bible et refusent la version révisée qu'en donne l'Église catholique.

Leur vision de la sexualité est alors sensiblement différente.             

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