La définition de l'homosexualité
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Qui est homosexuel ?


L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes

qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante,

envers des personnes du même sexe.

(Catéchisme de l'Église catholique, 2357).


Pour étudier le point de vue de l'Église catholique sur l'homosexualité, nous allons partir de la définition qu'elle en donne avant d'examiner différents arguments utilisés par le Catéchisme afin de justifier sa condamnation.


La première qualité pour un raisonnement est de bien définir son objet. Ici la définition de l’homosexualité est particulièrement floue, et joue sur les idées reçues. Tout le monde croit savoir ce qu’est l’homosexualité : une sexualité entre personnes du même sexe. Mais une telle définition ne permet pas de dire effectivement qui est homosexuel et qui ne l’est pas. Par exemple, les psychologues et les psychanalystes refusent de qualifier des personnes d’homosexuelles dans deux circonstances : quand elles ont une activité sexuelle avec des personnes du même sexe mais ne sont pas matures (un adolescent peut avoir des relations de type homosexuel sans qu’on ait le droit de le définir comme homosexuel, au nom de la maturation de la sexualité, notion dont le Catéchisme tient compte quand il parle « d’immaturité affective », CEC 2352) ; et quand leurs conditions particulières de vie les privent de l’autre sexe pour une période plus ou moins longue : marins, militaires, prisonniers. La définition du Catéchisme est donc déjà sujette à caution, et demanderait à être précisée. Il faudrait dire au moins : « relation sexuelle entre personnes du même sexe adultes et libres de leurs choix de partenaire ».

Et où commence la sexualité entre deux êtres ? À l’imaginaire, au fantasme, au désir psychique, au passage à l’acte, aux attouchements, à la pénétration, à l’orgasme ? Que faut-il faire ou penser pour être homosexuel ?

Il y a plus gênant : en cas de partenaires des deux sexes, est-ce bien le pourcentage des différents types d’actes qui est déterminant comme le suggère le texte (exclusive ou prédominante, qui en plus reconnaît la possibilité de bisexualité) ? Si j’ai 51% de mes actes sexuels avec quelqu’un du même sexe, cette activité est prédominante et je suis homosexuel ; si j’en ai 49%, je ne le suis pas ?

Et quels actes quantifier et comparer, quand, pour les humains, nombre et qualité ne sont pas sur le même plan ? John Boswell pose le problème : « Dans le cas d’Alexandre le Grand qui a eu des relations sexuelles avec des centaines de femmes, et avec deux hommes seulement, mais dont l’un (Bagoas) a été sans discussion possible au centre de sa vie érotique, la méthode statistique nous donnerait une image fort trompeuse » (Christianisme, tolérance sociale et homosexualité, NRF, 69).

Quand on parle d’homosexuel, on s’imagine avoir affaire à une notion claire. Mais dès que l’on veut préciser, on se rend compte qu’il s’agit du même type de dichotomie que dans le cas de blond/brun, ou blanc/noir, pour qualifier des personnes : la majorité des gens sont entre les deux (châtain, ou métis) ou ni l’un ni l’autre (roux, ou jaune), même si certains sont effectivement blonds ou noirs ; et entre certains blancs la différence peut être plus grande qu’entre des blancs et des métis, etc.

Pour tenter d’être objectif, on pourrait dire qu’il y a des actes sexuels accomplis seul, ou avec un partenaire du même sexe, avec un partenaire de sexe différent, avec plusieurs partenaires. Le Catéchisme semble en convenir et admettre qu’il était dans une impasse en voulant parler d’homosexualité en général. C’est pourquoi il poursuit sa réflexion dans la suite du paragraphe à partir des « actes d’homosexualité », abandonnant les définitions floues dans lesquelles il s’était imprudemment engagé.

Mais dire homosexuel celui qui pose des « actes d’homosexualité », et hétérosexuel celui qui n’en pose pas, ne peut pas non plus rendre compte du réel. Kinsey insiste, dans son Enquête sur le comportement sexuel de l’homme : « l’enquête montre que la vie sexuelle d’une fraction considérable de la population est un mélange d’expérience homosexuelle et d’expérience hétérosexuelle » (803). Le chercheur américain est ainsi amené à proposer un classement en sept points afin de mieux se calquer sur « la continuité des gradations qui séparent les individus exclusivement hétérosexuels et les individus exclusivement homosexuels » :

0. Catégorie où sont classés les individus qui ne se « livrent à aucun attouchement générateur d’excitation sexuelle ou d’orgasme » avec des personnes de leur sexe, et qui n’éprouvent aucune réaction psychique envers elles. Les relations et les rapports sociosexuels ont lieu exclusivement avec des individus de sexe opposé.

  1. Les rapports homosexuels sont accidentels, ou il n’y a que des réactions psychiques accidentelles. Les relations et les rapports sociosexuels se polarisent en très grande partie sur les individus de sexe opposé.

  2. Les expériences homosexuelles sont plus qu’accidentelles, et, si les relations hétérosexuelles l’emportent encore, les individus réagissent d’une manière assez précise aux stimulants homosexuels.

  3. Les individus de cette catégorie sont à la fois homosexuels et hétérosexuels dans leur activité et – ou – par leurs réactions psychiques, à égalité, même si pour des raisons conjoncturelles ils peuvent avoir choisi à un moment donné une pratique exclusive ou dominante.

  4. Catégorie symétrique de 2, avec dominante homosexuelle et activité hétérosexuelle plus qu’accidentelle.

  5. Symétrique de 1.

  6. Homosexualité exclusive, tant psychique que en actes  (805-807).

La réalité sexuelle humaine apparaît ainsi bien plus complexe que ne le laissait supposer la dichotomie théorique ; et l’application aveugle du texte du Catéchisme, pris à la lettre, conduirait à placer la quasi totalité de la population dans le groupe homosexuel, puisqu’elle pose ou a posé des « actes d’homosexualité ».

Dans ces conditions, imaginer les homosexuels comme une minorité anormale serait ne tenir aucun compte de la réalité sociale. Kinsey semble plus proche du raisonnement objectif quand il conclut : « cela suppose que l’aptitude d’un individu à répondre de façon érotique à un stimulant quelconque (que ce dernier soit fourni par une autre personne du même sexe ou du sexe opposé) est fondamentale à l’espèce » (826).

Il faut finir par se faire à l’idée que dans l’espèce humaine la sexualité n’a pas d’objet prescrit. C’est la rançon du passage de l’animalité à l’humanité.

C’est notre dignité d’êtres humains.


Yves Ferroul     

Sexodoc 

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