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Les pervers


Certaines personnalités présentent un trouble particulier qui consiste à pouvoir accéder au plaisir " sans tenir compte de l'existence de l'autre ", alors que les individus dont le développement émotif et social a été normal " vivent dans leur monde de représentation tout en tenant compte du monde de représentation des autres " : ils ont appris à gérer leurs émotions dans un contexte de relations entre personnes qui sont différentes, pensent différemment, ressentent des émotions différentes, donc ont appris à prendre en considération le monde des autres.

Les grands pervers, " ceux qui dépendent véritablement de leur perversion ", ont des " représentations abstraites totalement dissociées de leurs émotions "  : ce que vit et ressent l'autre leur est parfaitement indifférent quand eux-mêmes sont emportés par leur désir. Ce désir peut avoir des objets divers : dominer l'autre, le manipuler, l'humilier, le détruire psychologiquement, dans la relation de travail , dans le groupe " amical ", dans la famille ; faire souffrir physiquement, torturer, mettre à mort pour jouir de la peur de l'autre, de sa panique, de sa douleur. Toute source de plaisir peut se voir annexée par la personnalité perverse : la sexualité aussi, bien évidemment. Le pervers recherchera sa jouissance sexuelle quoi qu'il en découle comme conséquence pour l'autre, en accompagnant son agression sexuelle de violences qui meurtrissent, déchirent, disloquent, mutilent le corps de l'enfant ou de l'adulte utilisé, causent la mort de leur victime.

Dans ces cas, la société a affaire à une personnalité qui souffre d'un manque grave dans sa construction et qui, de ce fait, relève aussi, à côté de la justice, de la médecine, particulièrement de la psychiatrie.

La perversion existe donc, quand elle est l'action d'une personnalité perverse au sens psychiatrique du terme. Cependant, elle ne s'exprime pas toujours par des actes extrêmes, et donc criminels, qui restent l'exception. La plupart du temps, l'activité des personnalités perverses est plus discrète, et utilise les actions les plus banales de la vie quotidienne : elle reste cependant profondément destructrice pour leurs victimes.

En sexualité, les conduites perverses les plus fréquemment rencontrées dans les consultations sont le fait de femmes qui ne respectent pas la sexualité de leur conjoint. Toute leur façon d'agir exprime le mépris pour cet être bestial, ou la condescendance apitoyée. L'absence de toute complicité, de petites remarques comme " c'est bientôt fini ? ", " encore aujourd'hui ! ", " oui, mais vite fait ! " conduisent très vite leur compagnon à s'interroger sur la validité de son désir, à se remettre en cause. " Jamais elle n'a touché mon sexe, comme si je la dégoûtais, comme si j'étais répugnant ! " La femme qui rend impuissant délibérément celui à qui elle refuse la sexualité, sapant sa virilité, détruisant sa personnalité, est une réalité bien vivante.

Sont également pervers dans leur sexualité les hommes qui harcèlent leur compagne de leurs demandes sans tenir compte de leurs volontés, imposent des activités qui les déstabilisent, les amènent à ne plus croire en leurs capacités, à perdre le goût de leur plaisir : " il veut tout faire à sa manière ", " quand je lui confie ce qui marcherait, il fait autre chose ", " quand je suis en train de décoller, il me demande si c'est bien ! "

Pour les deux sexes, ne pas prendre en considération systématiquement les modalités du désir et du plaisir de l'autre est le signe d'une personnalité perverse. Elle manifeste clairement qu'elle n'a rien à faire de ce que peut vivre et ressentir l'autre. Ou bien, à l'inverse, elle fait semblant de vouloir le bien de l'autre, mais en fait s'arrange pour tout saboter.

Mais attention : tous les degrés se rencontrent, du comportement normal jusqu'au comportement authentiquement pervers. Parfois l'inattention à l'autre n'est que passagère, accidentelle, due à une simple méprise, sans rien de pervers. Faire des avances, proposer des jeux sexuels qui peuvent dérouter, gêner, étonner ne signifie pas automatiquement avoir une attitude perverse. Ainsi l'épouse qui s'offusque : " comment ose-t-il me demander ça, à moi, sa femme, la mère de ses enfants ! " parce que son mari a parlé de fellation, n'a pas affaire à un pervers. Parfois, aussi, c'est l'ignorance, le stress, l'appréhension qui sont à la source de l'attitude litigieuse. Une femme trop envahie par l'angoisse, ou doutant trop de son savoir faire, restera repliée sur elle-même sans percevoir ce qu'elle impose à son partenaire de vivre. Un homme obsédé par ses rituels peut ne rien ressentir de la déstabilisation qu'il engendre chez sa compagne.

Ce n'est pas parce que les pervers existent, et que la sexualité est un de leurs terrains d'activité, que toute problématique sexuelle signe une personnalité perverse. À l'inverse, des actions extraordinaires ne sont pas nécessaires pour déterminer une sexualité perverse : " celle-ci n'est donc pas tant affaire de procédés pour parvenir à la jouissance que de détérioration de la relation entre les partenaires. Des relations hétérosexuelles apparemment " normales " peuvent être ainsi qualifiées de perverses si l'un des partenaires est utilisé comme un objet contre son gré. De telles situations se rencontrent dans les relations conjugales les plus banales " (Gilbert Tordjman, " Comportements sexuels et peines de sexe ", in KRISIS, n°17, mai 1995, p.48).


Yves Ferroul

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